mercredi 27 novembre 2013

La sans par - Christiana Moreau

Titre : La sans par
Auteur : Christiana Moreau
Editions : Mon petit éditeur
Nombre de pages : 188
Date de publication

Pour une présentation de l'ouvrage, pour en savoir plus sur l'auteur et avoir accès à des articles de presse et autres, c'est par ici : La sans par - Mon petit Éditeur.


A la mort de sa grand-mère, Maria, Silvia (restauratrice d’œuvres d'art en Belgique) hérite d'un magnifique buste de femme : La sans par. 
L’œuvre date de 1494 et, est signée par une femme, Costanza Marsiati. Elle découvrira bien vite, que le modèle n'est autre que Simonetta Vespucci, magnifique femme ayant de servie de modèle idéal à Botticelli et bien d'autres.
Silvia souhaite en savoir plus sur l'artiste, sur Simonetta et sur l'histoire de cette statue, qui se transmet de mère en fille depuis des générations. Elle part donc à Florence, ville de beauté où l'histoire de la sans par s'est jouée. 

Ce roman historique de Christiana Moreau nous dévoile le destin de quatre femmes extraordinaires : Silvia, Maria, Costanza et Simonetta. 
Avec elles, c'est l'histoire des femmes, de l'art et de l'humanité qui nous est contée. 

Simonetta Vespucci était une femme issue d'une famille noble, d'une grande beauté (de corps et d'esprit). Beaucoup tombèrent sous son charme, notamment Botticelli, Leonard de Vinci, alors simple élève dans une bottega, Poliziano et même Giuliano de'Medici, qui fut son amant (et aussi l'autre modèle idéal, le masculin, de Botticelli). 

Simonetta Vespucci par Piero di Cosimo - 1490

Que ce soit dans La naissance de Vénus, dans Le printemps ou d'autres œuvres du grand Botticelli, c'est le visage, la silhouette de Simonetta que nous admirons.

Costanza Marsiati est la fille d'un artisan potier de la célèbre ville d'Impruneta, réputée pour son argile grise de grande qualité, prenant une couleur ocre après cuisson.
Cette jeune fille courageuse, passionnée n'a qu'un désir : être une artiste. Elle décide alors de rejoindre Florence, là où sous l'impulsion des Médicis, l'art à pris son envol. Elle souhaite intégrer l'atelier des frères Pollaiulo. Mais à l'époque, Savonarole, un moine sans scrupule gagne petit à petit le coeur des florentins. Les femmes n'ont pas le droit d'être artiste (d'où le déguisement de garçon que Costanza revêt, pour intégrer la bottega). Savonarole fait la chasse aux sorcières et aux vanités. Florence et ses artistes s'apprêtent à vivre des heures sombres. 

Maria, la grand-mère de Silvia, a du quitter sa Toscane natale, avec La sans par dans sa valise, afin de rejoindre son marie en Belgique. Après la guerre, l'Italie connait une crise, la Belgique a besoin de main d’œuvre. Un échange écœurant est donc mis en place : contre un ouvrier italien qui viendra travailler dans les mines belge, le gouvernement italien recevra du charbon ! Outre les conditions de travail difficile et dangereuse, les accidents, les mineurs, leurs familles doivent se parquer dans les baraquements des camps de concentration que les allemands avaient construit là, pendant la guerre. 

Quatre femmes, quatre époques et quatre combats. 
D'une plume alerte, douce et fluide, Christiana Moreau nous entraîne sur les pas de femmes merveilleuses, de la Renaissance à nos jours. 
Le style de l'auteur, son immense travail de recherche et de documentation, font de cette œuvre, un ouvrage passionnant, d'une grande richesse où la beauté transpire.
Ce roman historique est essentiel pour qui aime l'art, la Renaissance italienne, l'histoire et la beauté. 
Je suis, quant à moi, de plus en plus attirée par cette période, par les Médicis, par Florence et, cet ouvrage magnifique, que je vous conseille, est un incontournable de toute bibliothèque ! 

La naissance de Vénus par Sandro Botticelli - 1485


mardi 19 novembre 2013

Alix de Rochechouart - Corinne Javelaud

Titre : Alix de Rochechouart
Auteur : Corinne Javelaud
Editions : Dorval
Nombre de pages : 168
Date de publication : 2012

Quatrième de couverture :

1205, la belle Alix de Mortemart a un avenir tout tracé : épouser le vicomte Aymeric VII de Rochechouart et assurer la descendance de la famille. Tout les prédestine au bonheur jusqu'à ce qu'une terrible conspiration accuse la belle Alix d'avoir commis le péché d'adultère avec son intendant le Sieur Méconde, un manant, sorti de sa roture grâce à son ancêtre qui sauva le Vicomte Aymeric V de Rochechouart, tombé dans une embuscade sur la route des croisades à Constantinople. La belle Alix se retrouve jetée en pâture au lion par son époux jaloux. Ce dernier finira pourtant par démêler le vrai du faux grâce à la complicité du fou du village, Féfé le dépenaillé. Il découvrira la trahison de ceux qui lui avaient prêté allégeance : Yselda, la perfide dame de compagnie d'Alix, victime de sa faiblesse se verra châtiée, tout comme Méconde, l'intendant pervers à l'origine de la terrible machination. Dans l'intimité de la Cité médiévale, gravitent Cyril l'émailleur limousin, qui introduit l'art et le voyage, fait sa cour à Yselda, mais fera les frais d'un amour impossible nimbé de mélancolie et de solitude. Lorsque le vicomte vient libérer sa belle de la cage au lion, elle est intacte. Commence alors la reconstruction de l'amour où la raison est toujours la plus forte.

Ce roman a reçu le prix littéraire de Nontron, en Périgord, en août 2013.

Mon avis

Passionnée par le moyen-âge ; amoureuse des beaux mots et accordant énormément d'importance aux publications des éditions Dorval (nouvellement découvert), je n'ai pu résister à l'envie de découvrir le roman de Corinne Javelaud : Alix de Rochechouart. 

Je ne connais que peu l'histoire de cette dame, marié à Aymeric VII, vicomte de Rochechouart. C'est donc avec des yeux neufs que je me suis lancée dans cette lecture et j'y ai pris énormément de plaisir. 

Aymeric VI, père de l'époux d'Alix a tenu tête à Richard Coeur de Lion, au château de Châlus, où se dernier à rendu son dernier souffle. La famille Rochechouart est connu pour son courage et ses faits d'armes. Aymeric le Jeune, vaillant et courageux, ne souhaite qu'une chose : que le pape Innocent III lance un appel pour une nouvelle croisade. Aymeric, vicomte du Limousin souhaite s'y distinguer. 
C'est lors de joutes qu'Aymeric tomba sous le charme de la belle Alix de Mortemart, donc la beauté rend jalouses bien des femmes. Celle-ci succomba également à la beauté et la force du jeune Aymeric. 
"Le jeune Aymeric VII vint au-devant de ses hôtes sur son palefroi, dès qu'ils eurent franchi le pont-levis. Il échangea un long regard avec Alix et la jouvencelle perçut aussitôt ce vent vif annonciateur d'un grand bouleversement.
Séduit par ce ravissant minois au sourire aimable, orné d'une opulente chevelure blonde qui lui descendait jusqu'à la taille, il en oublia presque la présence massive du baron Guillaume de Mortemart."
C'est dont dans la joie et dans l'amour, qu'en juillet 1205, Alix et Aymeric se lièrent devant Dieu, pour toujours. 
Amoureux comme au premier jour, Aymeric qui a un tempérament de feu, est emporté par la jalousie quand Méconde, son intendant, lui apprend qu'Alix lui est infidèle en son absence. Voyant rouge, n'écoutant aucune explication d'Alix ou de Luce de Pérusse, sa propre mère, Aymeric le Jeune châtie son épouse. Alix a beau jurer qu'elle est innocente, qu'elle ne comprend pas le pourquoi de ces rumeurs, rien n'y fait. D'où viennent ces rumeurs ? Est-ce un complot ?

En ce basant sur la légende d'Alix et le lion, cité par l'Abbé Dulery, au dix-neuvième siècle, Corinne Javelaud nous offre un roman de grande envergure, passionnant.
Quand j'ai ouvert ce roman, je me doutais que j'allais vivre un grand moment d'histoire, où plaisir de lecture et apprentissage se mêlerait. Et ce fut bien le cas.
Non seulement l'auteur à une plume d'une grande beauté, très poétique mais en plus j'ai pris conscience du travail de recherche qu'elle avait dû mener pour nous livrer un roman si riche et si travaillé. 
Quel plaisir de retrouver les us et coutume du moyen-âge et qu'elle délice de découvrir la façon de vivre des Limousins à cette époque. J'ai énormément appris avec cette lecture et l'intensité du style de l'auteur, son amour des mots et de l'histoire, en font un roman exceptionnel. Outre la beauté de la plume de l'auteur, l'importance de l'histoire livrée ici, j'ai totalement pris conscience, avec cette lecture, de ce que l'auteur avait mis de son histoire, de sa vie et de sa vision des choses. Un travail et une implication, qu'il est bienvenue de souligner.

Alix est une femme exceptionnelle, magnifique et au grand coeur. Je ne connaissais pas son histoire, mais ce roman m'a rendu curieuse et je n'ai qu'une envie, en savoir plus encore sur sa vie et sur celle de sa région, de sa vicomté, de son époux. Je suis avide d'histoire, de son histoire. Quelle femme d'envergure ! 

Autant vous dire tout de suite que je suis conquise par ce roman, mais aussi par le talent de Corinne Javelaud, dont j'ai déjà hâte de découvrir les autres œuvres. Je vous invite vraiment à vous aussi découvrir cet auteur à la plume délicieuse. 
Je tiens aussi à souligner la qualité du livre, et donc le sérieux des Éditions Dorval. En tenant Alix de Rochechouart dans vos mains, vous serez conscient de l'amour de la littérature, de la passion de l'éditeur. N'hésitez pas à découvrir leur catalogue, d'une grande richesse, en vous rendant ici

dimanche 17 novembre 2013

Sukkwan Island - David Vann

Titre : Sukkwan Island
Auteur : David Vann
Éditions : Gallmeister
Nombre de pages : 212
Date de publication : 2010

Quatrième de couverture

Une île sauvage du sud de l'Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C'est dans ce décor hostile que Jim décide d'emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une longue succession d'échecs personnels, c'est l'occasion de renouer avec ce garçon qu'il connaît si mal.
Les dangers auxquels ils sont confrontés et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar. Alors que la situation devient vite hors de contrôle, le fils assiste peu à peu au naufrage de son père et commence à prendre les choses en main. Jusqu'au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.

Mon avis

J'ai enfin succombé et lu le premier roman de David Vann, publié en France. J'aurais mis le temps mais je ne regrette aucunement : j'ai passé un moment intense et inoubliable ! 
En général, je n'aime pas lire un livre dont tout le monde parle et encense (en 2010, Sukkwan Island avait déferlé sur la blogosphère, tel un tsunami ravageur). Même si je me l'était offert à sa sortie, tentée par le sujet, j'ai pris tout mon temps pour le lire... Finalement, j'ai dégusté ce roman en quelques heures. 

A l'ouverture du roman, Jim et son fils Roy, treize ans, débarque sur l'île de Sukkwan Island. Dans cette petit île du sud de l'Alaska il n'y a que la nature sauvage et une cabane de bois. Jim, dentiste à Fairbanks a tout quitté, tout vendu pour acheté cette cabane et le terrain qui va avec. Pour projet : passé un an, seul sur cette île avec son fils, afin de resserré leur lien. Divorcé depuis quelques temps déjà d'Elizabeth, la mère de Roy et Tracy, Jim a laissé la relation avec son fils se dégrader, au point de devenir étranger. Si, au début tout semble beau et attrayant, les choses vont très vite changer jusqu'à atteindre le point de non retour, le drame.

Jim est un homme volage, infidèle, égoïste et tellement superficiel. Tout de suite il m'a été antipathique. Il est faible et ne pense qu'à ses petits malheurs (dont il est souvent la cause première).
Roy est un jeune adolescent en pleine découverte de son corps, de sensations diverses et variés. Il est réfléchi, matûre pour son âge et généreux. L'inverse de son père... Si il a accepté cette aventure, c'est pour son père, pour lui venir en aide, car il sent, il sait au plus profond de lui que Jim ne va pas bien (et la suite du roman va confirmer ses craintes). 
Le roman est divisé en deux parties. Dans la première, nous suivons les pensées, les sensations de Roy ; dans la seconde, nous suivons le père. 
Si la première partie m'a permis de me mêler aux pensées de Roy, de mieux le connaitre et de l'aimer, il m'a aussi fait ressentir une antipathie face à ce père dont la folie et l'égoïsme sont palpable à chaque seconde ou presque. Et, la seconde partie du roman à confirmé ce que je ressentais de Jim... Même quand un sentiment plus positif naissait en moi, à son égard, ce qu'il faisait ou pensait juste après le faisait retomber dans mon estime...

J'ai tout aimé dans ce roman, l'histoire, la manière dont l'auteur à construit celle-ci, les sursauts de l'intrigue (qui je l'avoue m'ont mis un sacré coup au moral !), la psychologie de ses personnages, sa plume magnifique et poétique, les descriptions sensationnelles de la nature sauvage si impressionnante et ensorcelante... Pour moi, David Vann a tout d'un grand auteur ! 
Lu en quelques heures, tant je ne pouvais arrêter là et laisser Roy ou Jim sur cette île, je n'ai terminé ma lecture qu'au milieu de la nuit, vidée et à bout de souffle. Cette histoire m'a complètement retournée.
David Vann y explore, avec brio, les relations père/fils, la dépression, la folie, le désespoir face à la mort et l'incompréhension... Le décor est splendide et rend le texte encore plus intense et passionnant. 
Je suis complètement fan de ce texte, de ce livre et je n'ai qu'une envie, maintenant, découvrir une autre oeuvre de l'auteur (que je vous invite à découvrir, si ce n'est déjà fait). 



vendredi 8 novembre 2013

La passion Lippi - Sophie Chauveau

Titre : La passion Lippi
Auteur : Sophie Chauveau
Éditions : Folio
Nombre de pages : 496
Date de publication : 2006

Quatrième de couverture

Florence 1414. Un enfant hirsute, aux pieds couverts de corne, griffonne furieusement une fresque remarquable à même le sol d'une ruelle des bas-fonds de la ville. Miraculeusement repéré par Cosme de Médicis et placé au couvent des Carmes, il va faire souffler un vent de passion sur la peinture de la Renaissance. Moine et libertin, artiste intransigeant et manipulateur sans scrupules, futur maître de Botticelli, ses sublimes madones bouleversent son époque. Elles lui sont pourtant très intimement inspirées par les filles des maisons de plaisir de Florence qui en ont fait leur petit prince caché. Bravant tous les interdits et jusqu'à l'autorité suprême du Pape, il commet par amour l'ultime provocation. Le scandale le pousse à l'exil et le renvoie au secret sanglant enfoui au cœur de son enfance. Peintre voyou, ange ivre, fra Filippo Lippi invente un rapport nouveau entre l'art et le monde de l'argent et, le premier, fait passer les peintres du statut d'artisans estimés à celui d'artistes reconnus.

Mon avis

La passion Lippi est une formidable découverte. Le roman, qui a demandé quatre ans de recherches à Sophie Chauveau, débute en 1414 dans la délicieuse Florence. Cosme de Médicis découvre dans une ruelle un enfant dont la corne sous les pieds est impressionnante, "une corne à avoir marché depuis des milliers d'années". 
Cet enfant en haillons dessine dans la poussière des rues, un Mont des Oliviers plus vrai que nature. Cosme décèle le génie et, dès lors, la vie de cet enfant aux pieds cornus, Filippo Lippi, va se voir transformée. 

L'écriture poétique, puissante de Sophie Chauveau m'a tout de suite emmené aux côtés de Filippo, Guido, Cosme, Pierre et les autres, dans une Florence grandiose. Je me suis tout de suite attachée à cet enfant miséreux, en grande souffrance, qui deviendra le peintre de génie que nous connaissons : novateur mais aussi moine provocateur, libertin au caractère bien trempé. Même si parfois, on désapprouve les actes de Lippi, même si ce qu'il fait n'est pas toujours bien, je n'ai pas pu m'empêcher de l'aimer, comme si je l'avais en face de moi, et qu'il jouait de ses charmes pour me rendre amoureuse de lui, de ses œuvres.

C'est vrai, le roman de Sophie Chauveau est une grande oeuvre d'art au même titre que les peintures de Fra Filippo Lippi, qu'il peint dans les églises, en commandes privées de "grandi" ou dans les bordels de la ville, où il trouve réconfort et guérison, auprès de ces "putains" dont il se sent si proche. Pas un moment d'ennui, tout est beauté, passion et charme. 

Maintes fois, je n'ai pu m'empêcher de relire certains passages, particulièrement beaux et intenses, comme ceux concernant l'art. Le destin du plus grand peintre de la Renaissance est hors du commun, empli de souffrance, de douleur mais aussi de beauté, d'amitiés solides et sincères, d'amour. 
Le livre de Sophie Chauveau regorge de tout ce qui fait une vie ; son écriture est sensuelle et magnifique. Un roman, une biographie, une peinture magistrale.

Vierge à l'enfant - 1452